Lors de votre assemblée générale le 21 juillet à Vichy, vous avez fait plusieurs propositions au nom du Syndicat national des propriétaires. Parmi celles-ci, le Plan-épargne retraite cheval. De quoi s’agit-il ?
Le Plan-épargne retraite permettra à chaque cheval de financer sa propre reconversion. Quand ce plan sera actionné, il financera trois étapes clés dans la retraite d’un cheval de course (hors élevage) :
• Il facilitera la prise de décision de reconvertir son cheval par le versement d’une indemnité de 1000 euros au dernier propriétaire.
• Il assura le transport vers la structure d’accueil ainsi que les premiers soins vétérinaires éventuels, cela à hauteur de 800 euros.
• Il financera le travail de transition et de placement conduit par un professionnel agréé sur la base du montant moyen actuel de 3200 euros.
Ces calculs nous ont permis de déterminer qu’une cagnotte de 5000 euros était nécessaire à la reconversion d’un cheval.
Chaque année, nous devons assurer la reconversion de 800 à 1000 de nos chevaux. L’association Au-delà des pistes organise depuis 2016 un suivi pour environ 200 d’entre eux. C’est mieux que les années précédentes, mais ce n’est pas encore suffisant. Pour agir, nous avons besoin d’une structure et de financements.
Aujourd’hui, nous sommes face à un risque majeur qui, en quelques mois, quelques clics et quelques lois, peut mettre en péril toute notre filière, sous la pression de groupes ou associations représentatifs de l’évolution de la société française et mondiale s’agissant du bien-être équin. Car parmi les angles d’attaque se trouve "l’abandon du cheval" après sa carrière de compétiteur. La réponse structurelle apportée par l’institution a été heureusement pensée il y a quelques années avec la création d’Au-delà des pistes (ADDP). Cependant, nous devons aller plus loin.
C’est pour toutes ces raisons qu’après avoir longuement discuté avec les propriétaires, les structures d’accueil et tous les maillons de la chaîne du galop, nous avons considéré judicieux de créer ce Plan-épargne retraite.
Comment le financera-t-on ?
Le moment de la transaction - à l’instar de ce qui a été pensé sur les marchés boursiers pour servir certaines causes – nous donne l’opportunité de dédier une partie de la somme à l’alimentation du Plan-épargne retraite de notre cheval. Nous proposons un prélèvement sur les transactions à hauteur par exemple de 2% du prix de vente (soit 200 euros pour 10 000 euros et 1000 euros pour 50 000), et plafonné à 5000 euros par vente.
Ce choix de financement découle d’une conviction forte au Syndicat : de ne pas charger le compte d’exploitation des propriétaires en créant un énième prélèvement obligatoire et permanent pratiqué sur les engagements ou sur les allocations.
Cependant, il y a une urgence et un besoin évident de financement, c’est pour cela que nous avons imaginé ce système.
Pour que cette mesure ait un impact et du sens, la reconversion doit concerner tous les chevaux n’ayant pas la possibilité de revenir dans les circuits de l’élevage, sans exception.
C’est pour cela que nous avons pensé à créer un fond commun solidaire : quand un cheval possède 5000 euros sur son compte épargne retraite et qu’il fait l’objet d’une nouvelle transaction, le pourcentage de la vente sera prélevé et reversé sur un compte global de reconversion, tous chevaux confondus.
Nous avons conscience qu’il s’agit d’un effort que nous demandons à tous, en premier lieu aux propriétaires. Mais ce que nous offrons surtout à chacun, c’est une solution pour nos chevaux et une image pour notre sport. Ce Plan-épargne retraite dotera la filière d’un outil financier vertueux, car :
• il renforcera les acteurs économiques de l’après-courses (souvent impliqués dans l’avant-courses)
• il ancrera nos chevaux dans les territoires
• il fera le lien entre les courses et un public venu des chevaux de sport ou de loisir.
Depuis mon intervention à Vichy, beaucoup d’acteurs des courses sont venus vers nous pour nous suggérer des idées, nous demandant d’aller plus loin encore dans nos réflexions. Et dans cette interview, je voulais aussi répondre à certaines questions notamment celle concernant les transactions qui seraient concernées par le prélèvement. Les ventes aux enchères des yearlings, les ventes à réclamer, les ventes en ligne, les ventes en carrière de courses sont autant de moments officiels et contrôlés qui permettent d’organiser administrativement et financièrement la démarche. En revanche, les ventes à l’amiable ne pourraient pas faire l’objet de prélèvement, à moins d’imaginer un système…
Au Syndicat, nous n’avons pas la prétention d’avoir pensé à tout. Ce que nous proposons aujourd’hui c’est une idée, longuement réfléchie avec l’aide de nos adhérents, d’un grand nombre de propriétaires, des éleveurs, des entraîneurs et des personnes de l’Institution. Pierre Préaud, Secrétaire général de la Fédération des courses hippiques, qualifiait cette proposition de « novatrice et porteuse de solutions d’avenir ». Nous sommes conscients qu’il s’agit d’un projet ambitieux et qu’il y a encore tout à faire, mais nous savons surtout que pour la pérennité des courses, nous devons développer une stratégie volontariste au plus près des attentes sociétales actuelles. Et ce plan en fait partie.
Qui en aura la gestion ?
La gestion du Plan-épargne retraite cheval pourrait naturellement revenir à la Fédération nationale des courses hippiques puisque, dans le cadre de son activité, elle assure une couverture complète du territoire grâce à ses fédérations régionales ; qu’elle est transversale entre le galop et le trot, et qu’elle est déjà engagée sur le thème du bien-être équin avec le désormais fameux #raceandcare.
Sur le plan technique, la structure ADDP, seule agréé officiellement par France galop, a déjà creusé son sillon. Elle pourrait tout à fait - forte de ressources financières supérieures et dans un cadre strict minorant le poids des frais de fonctionnement au profit du bien-être des chevaux - assurer la mission de sélection des structures et de contrôle du respect de la charte qualité sur le terrain. Mais d’autres organisations existent et, en l’occurrence, la réunion des savoir-faire et des compétences dans une démarche positive est souhaitable.
Enfin, d’un point de vue comptable, la Fédération nationale des courses hippiques et France galop sont toutes deux en capacité de réunir les grands acteurs économiques privés autour de ce projet et de se porter garants de la bonne gestion financière et comptable.
C’est le schéma auquel nous pensons, mais bien entendu, d’autres pistes sont envisageables.
Votre seconde proposition est de territorialiser le programme pour reconquérir les grands bassins de population. Faut-il aller plus loin dans la régionalisation de nos courses ? Et pourquoi ?
Je vais vous poser une question que je me suis moi-même posée. Si nous inventions les courses hippiques aujourd’hui, au XXIe siècle, croyez-vous que nous pousserions nos hommes et nos chevaux à sillonner la France à la recherche de courses tout au long de l’année ? Non, évidemment. Parce que tous les indices économiques, commerciaux et sociétaux nous amènent à penser ou à faire exactement l’inverse. Tout va dans le sens d’une d’une territorialisation plus prononcée et plus assumée de notre programme de courses.
Sur le plan sportif :
• Le cheptel s’est géographiquement déplacé de Paris vers les régions et a gagné en qualité.
• Les propriétaires et les entraîneurs régionaux sont d’autant plus enclins à investir s’ils ont la possibilité de gérer la carrière des chevaux dans un rayon régional. Seul le haut niveau justifie et motive à lui seul l’affrontement sur nos hippodromes les plus prestigieux.
Or le programme actuel tend à contraindre les chevaux à faire de plus en plus de longs déplacements en dehors de leur région d’entrainement pour trouver leurs courses. À nos yeux, c’est un non-sens.
Sur le plan commercial, partant du principe que l’on ne peut aimer que ce que l’on connaît, il serait profitable pour toute la filière de pouvoir faire vivre à chaque public, dans toutes les régions de France, des émotions fortes sur nos hippodromes. Cette exposition de notre sport, le rapprochement entre l’événement et le public, motiverait :
• La fidélisation des propriétaires actuels,
• le recrutement en général de nouveaux passionnés et professionnels,
• la prise de paris grâce à la présence sur place de l’activité support.
Enfin, sur le plan sociétal, les marqueurs actuels indiquent une tendance à l’activité régionale (pour le loisir comme pour le travail), à la consommation locale (consommation d’événements aussi), une sensibilité accrue pour le bien-être en général (le personnel d’écurie en ce qui nous concerne) et le bien-être animal, ainsi qu’une volonté de maîtrise et de réduction de l’empreinte carbone.
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